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TROIS ARRETS DU CONSEIL D’ETAT DU 13 JUILLET 2021 REBATTENT LES CARTES DES MECANISMES DE LBO

Le 27 septembre 2021
TROIS ARRETS DU CONSEIL D’ETAT DU 13 JUILLET 2021 REBATTENT LES CARTES DES MECANISMES DE LBO
Vous voulez mettre en place des management packages ? Attention au risque de requalification en salaires. 3 arrêts du Conseil d'état de juillet 2021 source d'alerte!

Trois arrêts du Conseil d’Etat du 13 juillet 2021 viennent créer le trouble s’agissant de l’imposition des management packages à base de BSA et de certaines options d’achats.

Jusqu'à présent il était communément admis que dès lors que le bénéficiaire prenait un risque capitalistique, le gain réalisé ne relevait pas de la catégorie des traitements et salaires mais de celle des plus-values de cession sur valeurs mobilières de particulier.  L’enjeu est considérable puisque les salaires sont soumis à un régime d’imposition moins favorable et qu’ils donnent lieu au paiement de charges sociales.

Dans ces 3 affaires, le Conseil d’Etat indique que les gains réalisés tant (i) à l'occasion de la souscription ou de l’achat de BSA ou d'options d'achat contractuelles, (ii) qu’à l’occasion de l’exercice de ces BSA ou options d'achat, (iii) ou encore lors de la cession des BSA ou des titres résultant de l'exercice de ces BSA ou options d'achat peut être requalifié en salaire dès lors en substance que les avantages ou gains qui en résultent trouvent essentiellement leur source dans l'exercice par l'intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié.

Les instruments mis en cause dans ces affaires étaient des BSA ou options d’achat contractuelles. C’est donc l’occasion de rappeler que d’autres outils existent pour intéresser les Managers avec une fiscalité plus intéressante que celle applicable aux salaires. Il s’agit notamment de l’attribution gratuite d’actions et des options d’achat ou de souscription d’actions consenties dans le cadre des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce. Ces outils ne risquent pas de remise en cause sur la base de cette jurisprudence puisqu’ils ont été conçus par le législateur pour encourager l’actionnariat salarié avec une fiscalité attrayante.

 N° 428506 – OPTION D’ACHAT D’ACTIONS ET PLUS VALUES SUR VENTE DES ACTIONS (AFFAIRE FINANCIERE PROV)

Bref rappel des faits : Une option d’achat a été consentie au directeur financier salarié (le « Bénéficiaire »)  de Financière Prov en février 2006 sur des actions de cette société (nombre  devant dépendre du TRI de la société) moyennant versement par le dirigeant de 15K€ au titre de l’indemnité d’immobilisation. Cette option donnait droit à l’achat d’actions de cette société pour 1 euro. Cette option a été reportée ensuite sur les actions de la société mère actionnaire unique de Financière Prov, à savoir la société Interclean. Lors de la vente de la société Interclean, le Bénéficiaire a exercé ses options d’achat sur 194.663 actions au prix de 1 € (21 septembre 2008), soit un paiement de 194.663 euros, et a ensuite cédé les actions correspondantes quatre jours après au prix de 3,54 euros par action soit un prix global de 689.868 euros.

Problématique :  A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, l'imposition du gain net né de la vente des actions, à savoir la somme de 495 205 euros, dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières sur le fondement des articles 150-0 A et 150-0 D du code général des impôts, et a imposé cette somme dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement des dispositions des articles 79 et 82 du même code. Le Bénéficiaire a fait appel et la Cour d’appel a annulé ce jugement et déchargé le Bénéficiaire du supplément d’impôt. La Cour d’appel  a jugé que le gain à la revente des actions n’avait pas le caractère d'un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires parce que le Bénéficiaire n'était pas prémuni contre le risque d'une perte totale de son investissement, ayant versé une somme de 15 000 euros qu'il n'avait pas l'assurance de récupérer. L’Etat (ministre de l'action et des comptes publics)  s’est pourvu en cassation pour faire annuler cette décision et a obtenu gain de cause. Le Conseil d’Etat a annulé cette décision d’appel au motif que la Cour n’avait pas recherché si le gain de levée d'option réalisé par le Bénéficiaire trouvait essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de salarié.

Motifs de la requalification :

-         Sous-évaluation du prix d’achat des options ou BSA : La circonstance que des options d'achat d'actions ou des bons de souscription d'actions ont été acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription constitue un avantage. Un tel avantage, « lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié », a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire

-        Le gain sur levée d’option (différence entre la valeur réelle de l’action à la date de levée et son prix d’achat majoré du montant payé pour acquérir l’option le cas échéant et le cas échéant de « l’avantage » consenti à l’attribution de l’option sus-visé) : Ce gain est également requalifié en traitement et salaire si l’option n’a pas été consentie dans le cadre des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et si cette plus-value trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié. Idem pour BSA

-        Le gain à la revente des actions : Lorsque l'action est cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n'a pas évolué depuis la levée de l'option, l'administration est fondée à imposer l'intégralité de l'écart entre le prix de cession et le prix d'achat majoré précité dans la catégorie des traitements et salaires.

N° 437498 – EMISSION DE BSA ET PLUS VALUES SUR VENTE DES BSA (AFFAIRE G7)

Bref rappel des faits : La société G7 a proposé à un seul dirigeant (le « Bénéficiaire ») de souscrire des BSA au prix de 0,15 € par BSA. La société COPAG, actionnaire majoritaire de G7, avait une option de rachat de ces BSA au prix de 13 € environ (et en parallèle le Bénéficiaire avait une option de vente de ces BSA à cette société au prix de 8 à 9 euros selon les BSA). La société COPAG en vertu de son option d’achat a racheté au Bénéficiaire tous ses BSA pour un montant total de l’ordre de 3 Millions d’euros alors que les BSA ont été souscrits à un prix global de l’ordre de 33 K€.

Problématique : L’administration a requalifié en salaires le gain tiré de la revente des BSA. Le Bénéficiaire s’est pourvu devant le Tribunal administratif qui lui a donné gain de cause. L’Etat (ministre de l'action et des comptes publics) a fait appel et la Cour d’Appel a annulé ce jugement et remis à la charge du Bénéficiaire la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu. Le Bénéficiaire s’est alors pourvu en cassation pour faire annuler cette décision et a eu gain de cause.

Motifs de la non requalification : Au cas d’espèce la décision de requalification en salaires du gain tiré de la revente des BSA a été annulée. La Cour d’appel avait pourtant relevé que par le jeu des options d’achat et de vente croisées, le prix de revente des BSA était garanti d’avance et à un prix supérieur au prix d’achat ce qui enlève tout aléa et que l'émission des BSA était liée à la mission du dirigeant. La décision a été annulée au motif que la Cour d’appel n’a pas recherché si la convention croisée d’options avait été conclue dans des conditions constituant une contrepartie des fonctions de dirigeant du Bénéficiaire alors exercées dans la société COPAG ou une société du même groupe.

N° 435452 – BSA ET PLUS-VALUES SUR VENTE DES ACTIONS  (AFFAIRE KAPPA 42 devenue « SAS FINANCIERE DERBY »)

Bref rappel des faits : L'assemblée générale de la société SAS Financière Derby a voté l'émission de 61.250 BSA au profit de M. B (le « Bénéficiaire ») pour un prix unitaire de 0,30 € en septembre 2005. Cette société a le même jour et en parallèle levé des fonds avec pour objectif d’acheter la société Chaussures Cendry. Le Bénéficiaire  a par ailleurs  été nommé Président de la SAS Financière Derby et embauché comme directeur du développement de la société Cendry en charge de la définition et de la mise en œuvre de la politique de développement de la société Cendry.

Un an et demi plus tard, le Bénéficiaire  et tous les investisseurs financiers ont cédé l’intégralité de leurs titres à la société VIVARTE.

Problématique : L’administration fiscale a estimé que le gain retiré de la cession des BSA constituait non pas une plus-value de cession de valeurs mobilières mais des salaires versés au Bénéficiaire à raison de ses fonctions de directeur du développement de la société Chaussure Cendry. Le Bénéficiaire  a fait appel puis s'est pourvu en cassation mais sans succès. Le Conseil d'État a confirmé la décision de la Cour d'Appel qui a considéré qu’une pluralité d'indices montraient que le but de ces BSA était de rétribuer le Bénéficiaire  en raison de ses fonctions de dirigeant et qu’ils devaient être imposables dans la catégorie des traitements et salaires. Il est à noter notamment que M. B avait été le seul bénéficiaire des BSA et que le contrat parlait de rétrocession de plus-value au Manager.

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SYNTHESE

1.      La circonstance que des options d'achat d'actions ou des BSA soit souscrits ou acquis à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette souscription ou acquisition est de nature à révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeants ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire imposable au titre de l'année d'acquisition ou de souscription des BSA ou options dans la catégorie des traitements et salaires.

2.      Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options ou BSA, lors de la cession des titres ainsi acquis, ou lors de la cession des bons. Le gain net ainsi réalisé est donc en principe imposable suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers y compris lorsque ces bons ont été acquis où souscrits dans une société dont il était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe. En revanche il en va autrement lorsque eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit être regardé comme acquis non à raison de la qualité d'investisseur du cédant mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant auquel cas il doit être imposable dans la catégorie des traitements et salaires.

 

On voit donc que les circonstances faisant passer du régime des plus-values de cession à celui de traitement et salaires est devenu très flou.

Il convient donc de privilégier l’attribution gratuite d’actions (Articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 C. com) et les options d’achat ou de souscription d’actions consenties dans le cadre des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce afin d’éviter tout risque de requalification.

Nous restons à votre disposition pour plus de renseignements.

Dominique Dumas, Avocat Associé, Dumas Structure, 28/09/2021 – www.dumas-structure.com. contact@dumas-structure.com

 

 

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